Une décision administrative notifiée sans indication des voies et délais de recours ne peut être contestée que dans un « délai raisonnable », en règle générale d’un année.
Le principe de sécurité juridique fait obstacle à ce qu’une personne qui a eu connaissance d’une décision administrative individuelle, même sans mention des voies et délais de recours, puisse contester celle-ci indéfiniment a jugé l’assemblée du contentieux du Conseil d’État.
L’assemblée était saisie d’un cas comme le juge administratif en a rencontré beaucoup depuis que la jurisprudence Griesmar a reconnu aux fonctionnaires pères de famille le droit aux bonifications pour enfants que les textes réservaient aux mères (V. CE 29 juill. 2002, n° 141112, Griesmar, Lebon ; AJDA 2002. 823 , concl. F. Lamy ; D. 2002. 2832, et les obs. , note A. Haquet ; AJFP 2002. 40 ; Dr. soc. 2002. 1131, note X. Prétot ). M. C…, ancien brigadier de police s’était vu notifier en septembre 1991 l’arrêté lui concédant une pension de retraite. Comme c’était, semble-t-il, systématiquement le cas alors, cette notification mentionnait le délai de recours contentieux, mais n’indiquait pas la juridiction compétente. Près de vingt-trois ans plus tard, s’appuyant sur les dispositions de l’article R. 421-1 du code de justice administrative, selon lequel le délai de recours ne commence pas à courir lorsque la notification ne mentionne pas les voies et délais de recours, M. C… a demandé au juge d’annuler son arrêté de pension en tant qu’il ne prenait pas en compte les bonifications pour enfant.
De nombreux retraités ont obtenu satisfaction, dans la limite de la prescription quadriennale, dans un tel cas (v. p. ex. CE, 24 juill. 2009, n° 322806, Lebon ; AJDA 2009. 1463 ). C’est à ces effets d’aubaine, et plus généralement aux contestations très tardives de décisions dont les intéressés avaient, à l’évidence, connaissance, que l’assemblée met un terme en confirmant, comme le lui suggérait le rapporteur public Olivier Henrard, que le principe de sécurité juridique peut également bénéficier à l’administration.
Le Conseil d’État juge en effet « que le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci a eu connaissance ; qu’en une telle hypothèse, si le non-respect de l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l’absence de preuve qu’une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable ». Et il précise « qu’en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l’exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance ».
Estimant que la requête de M. C… a été présentée au-delà d’un délai raisonnable, l’assemblée la rejette.